6.6.11

#1# Dé-Lire(S): L'étrange Cas du Dr Nesse


   Lors de mon hospitalisation, j'ai dit avoir été quasiment sauvée des eaux ( les eaux tumultueuses de mes pensées noires qui s'entrechoquaient dans mon crane, auxquelles faisaient écho parfois des larmes de douleurs) par le point livres, un peu pompeusement surnommée "bibliothèque de l'institut hospitalier". J'avais presque oublié l'existence de cette dernière, alors que je m'étais mentalement promis d'y faire un tour, en parcourant distraitement le livret d'accueil le 1er jour.


   Fort heureusement, les personnes chargées d'alimenter le contenu du point lecture et de lui donner vie connaissent bien les vélléités des patients, aussitôt énoncées, aussi vite oubliées, elles ont instauré une tournée des chambres un après-midi par semaine. Armées d'un chariot bien pourvu en magazines, mensuels, dvd, documentaires, polars, romans historiques et autres, elles arpentent les couloirs de l'institut hospitalier, à la recherche d'un patient/ lecteur égaré. Se faisant, elles permettent aux personnes qui pour les besoins de leur soins doivent restées alitées, ou qui ne peuvent pas se déplacer de façon autonome, de s'évader un peu de leur chambre et de leur condition de malade, et leur ouvrent ainsi une nouvelle fenêtre salutaire sur le monde. Qui plus est, cela permet aussi de créer une certaine appétence pour d'autres livres, d'autres références qui sont lovés sur les étagères du fameux point lecture.

   C'est en tout cas ainsi que je l'ai perçu. Et pour tromper l'ennui et la morosité des premiers jours, les livres qui m'ont été présentés ont largement rempli leur mission!

                                                crédits photo: logo culture à l'hôpital 2007 du ministère de la culture

    Le premier a avoir retenu mon attention fut l'Etrange Cas du Dr Nesse de Luiz Alfredo Garzia-Roza. J'ai dans un premier temps surmonté mon aversion pour la lecture de romans de gare...oui, je sais, c'est prétentieux...mais il m'a pendant longtemps été impossible de lire autre chose que des classiques (du répertoire gréco-romain ou européen) et je pense que ce sont probablement Emmanuel Carrère et Pierre Michon qui m'ont débauchée, et m'ont fait me tourner vers les contemporains.
L'étrange cas du Dr Nesse se lit presque d'une traite (oui, c'est assez facile d'en avoir le temps quand on est confiné à une chambre d'hôpital). L'histoire est assez savamment écrite, le style ni trop emprunté, ni trop simpliste. La traduction y est probablement pour beaucoup. Ce n'est pas un grand roman, mais il se laisse tout de même apprécier.

    Le commissaire Espinoza est confronté à une enquête épineuse, qui l'amène à plonger dans le monde de la folie douce. Il lui est en effet demandé d'enquêter sur la disparition de la fille d'un éminent psychiatre de la ville de Rio de Janeiro, le Docteur Nesse. Or, au fil de l'enquête, il semblerait que la disparition de cette dernière soit plutôt un rapt, commis par un ancien patient du médecin. En essayant de démêler les fils de l'existence des différents protagonistes, le commissaire va aller de surprise en surprise, de triste découverte, qui vont le faire douter de la posture ethique même du Dr Nesse.

   Le roman repose sur une triple intrigue: l'emploi du temps du Dr Nesse et de sa famille précédent le moment de la disparition, celui du patient présumé coupable d'enlèvement, et celui des enquêteurs. En effet, on peut voir se tisser une histoire parallèle à celle du crime, à savoir celle du quotidien des policiers. Jusqu'ici rien de bien extraordinaire, car il est monnaie courante que l'auteur essaie de créer un lien affectif entre le lecteur, qui décrypte l'histoire, et le policier/enquêteur, qui, lui, essaie de détricoter l'histoire à rebours. Ce qu'il y a d'intéressant ici se situe dans le fait que le cadre de l'enquête soit au Brésil, à Rio, et cela crée un effet de surprise. Les lecteurs français ayant plus coutumes d'intrigues parisiennes, bérichonnes ou new yorkaises, mais pas andines, le cadre du roman laisse place à toutes sortes de spéculations et donne au récit un certain goût d'exotisme. De plus, il traite du problème de la corruption, qui semble gangréner les forces de polices locales, avec la mise en exergue de la vie du partenaire du commissaire Espinoza. 

Même si tout lecteur averti sent bien poindre le dénouement, (merci au titre qui fait amplement référence au Dr Jekyl et Mr Hyde), il n'empêche que ce polar remplit bien sa mission: nous faire frissonner d'aise à chaque page. D'autres romans traitent de façon plus subtile du problème de l'identité, de la schizophrénie et du basculement dans la folie (et feront d'ailleurs l'objet d'autres billets), mais ne boudons pas notre plaisir avec ce polar sans prétention.

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