26.6.11

La TELE des PAUVRES


Il y a des moments où on a presque envie de jeter son écran de télévision contre un mur, tant les images du réél qu'il renvoie sont révoltantes ou insupportables. Ces derniers temps, j'ai délaissé l'enfer cathodique pour faire quelques ballades au grand air (enfin, c'était possible) tout en méditant sur les derniers fragments de vie qu'il m'avais été donner de contempler.







A n'en pas douter, j'avais le sentiment d'avoir participé au cirque voyeuriste de la "Télé des Pauvres".
Les émissions responsables de cet électrochoc et de ce sentiment de malaise qui m'avaient étreinte:

- TF1 en compagnonnage avec Les Restos du Coeur: 57 min, Première diffusion le 14 juin 2011
"Famille sous le seuil de pauvreté", Chapitre 1

- France 3, Hors Série, Première diffusion le 22 juin 2011
"Propriétaires mais pauvres"

Il y a eu bien d'autres docu-fictions ou reportages sur le mal-logement, les fins de mois difficiles, et les jobs d'impuissance teinté de soulagement de n'être pas tout à fait complètement concernée par cesde fortune. Mais là pour moi, c'était un peu la goutte d'eau de trop. Le trop plein. L'overdose. Le sentiment  situations critiques...et c'est là que m'a sauté aux yeux le motif-même de la diffusion de ces reportages, qui font leur beurre de la misère...ce sont des "repoussoirs", ils agissent tels des mises en gardes aux classes moyennes, signifiant que la pauvreté est à la porte de tout un chacun. Elle peut frapper à tout moment l'ouvrier conscieucieux et dévoué à son usine, l'artisan, le petit patron, et tout aussi bien les familles nombreuses ou monoparentales...

La pauvreté, c'est le cancer, la gale des classes moyennes...

Et le fait d'abreuver ces mêmes classes moyennes d'images alarmantes, larmoyantes, pleines de pathos n'a pour seul but que d'être un garde-fou pour ces dernières. Cela incite à la modération, prévient tout délit d'"hybris", d'envie de démesure, de révolte sociale. Brandir et Agiter le spectre d'une pauvreté partout imminente permet d'une certaine façon de domestiquer les masses et de de s'assurer qu'elles ne s'essaieront pas à sortir de leur pré-carré: ni trop d'alcool, ni trop d'ambition professionnelle, ni trop d'amusements, ni trop d'achats financés par des crédits à la consommation, ni trop d'envie d'être libre et autonome en s'astreignant de la condition de locataire à vie...ni trop de vie...

La pauvreté est un spectre qui hante les esprits des âmes économes et frugales, et qui frappe de plein fouet les petites bourses, pas assez riches pour être considérées comme telles,; e mais encore trop pour être perçues comme réellement pauvres. 


Penchons nous un peu sur le terme-même de "pauvre" et les réalités qu'il englobe. Pour cela rien de tel qu'opérer un retour aux sources, en se penchant sur la ou plutôt les définitions qu'en donne l'INSEE.

Tout est une question de rapport de force avec le niveau de vie annuel moyen des personnes actives en France. En 2007, ce niveau était à 21 080 €. Et le niveau de vie médian, lui, est de 18 170€. Cela signifie qu'il y a autant de personnes ayant un niveau de vie supérieur à 18170 que de personnes vivant avec moins. A ce titre cette somme est plus significative que le niveau de vie moyen.

Le seuil de pauvreté des ménages d'un pays se calcule, en général, de façon arbitraire, à 50% voire à 60%  du niveau de vie médian.

Pour ce qui est de l'année 2007, le seuil de pauvreté en France était fixé à 908 € de revenus mensuels ( à 60% de la médiane) 

13,4 % de la population, soit 8 millions de personnes, vivent au-dessous de ce seuil. Les familles monoparentales, les personnes vivant dans un ménage immigré et les chômeurs restent particulièrement exposés au risque de pauvreté monétaire. L’étude de la pauvreté en termes de conditions de vie repose sur le repérage des difficultés dans la vie quotidienne ou de privations d’éléments d’un bien-être matériel standard. En 2007, 12,2 % des ménages sont pauvres en conditions de vie (1)
A en croire l'argument annoncé par l'émission de TF1 et des Restos du Coeur, la pauvreté continue de toucher un français sur huit, soit 8 millions de personnes.
 Car la pauvreté en France a aujourd'hui un nouveau visage : celui d'hommes, de femmes ou de familles, poussés dans la précarité par des accidents de la vie et qui se battent pour garder espoir et dignité. Cela peut toucher pratiquement n'importe qui et à tout moment. (2)
Si l'on en croit des rapports plus récents,  la pauvreté hexagonale se stabilise, elle semble même très légèrement décroître (le seuil de 2008 était à 949 €). Alors pourquoi a t on le sentiment que la France s'appauvrit? C'est peut-être lié à la diffusion de plus en plus rapprochée de ces "reportages" qui alertent et alarment le grand public sur la baisse du pouvoir d'achat (des classes moyennes et des plus précaires). 

En me penchant un peu sur ces chiffres, un léger frisson m'a parcouru l'échine. En effet depuis que je suis étudiante, période pendant laquelle j'ai vécu grâce à des bourses d'études dont les montant ont varié de 350 à 470 € accompagnées d'une aide au logement de 30 à 150 € par mois, et depuis que je suis entrée dans la vie active depuis près de 3 ans, en enchaînant les contrats aidés à temps partiels, mes revenus ont été en moyenne de 780 € par mois. Ma meilleure paie a culminé en janvier 2011 après de nombreux remplacements au pied levé à 1100€. J'ai perçu de façon cahotique une aide au logement de 100 à 150 €.

Et cela fait de moi une personne vivant à la limite du seuil de pauvreté!

Alors après 6 ans d'études, des jobs alimentaires, des mémoires, exposés et rapports de stage intéressants et exaltants, je vis en funambule, sur le seuil de pauvreté. Et pourtant, je ne me sens pas pauvre, au sens strict du terme. Je ne nourris pas d'aspiration particulière avec mari, maison et enfant. Pas de crédit à la consommation. Pas beaucoup d'argent épargné à la fin du mois. Mais je me sens riche en terme de capital culturel et d'expériences professionnelles et sociales!
J'ai compris que j'étais un paradoxe, et je m'en accomode.

Pour autant, cela me donne envie de mieux comprendre le monde qui m'entoure, en accumulant encore des connaissances et des savoirs. En réfléchissant à ce billet, je suis tombée sur un article intéressant.

Il m'a terriblement donner envie de faire une escale sur Amazon ou de courir à la bibliothèque municipale pour  me procurer ceci:
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- >>> Pas de pitié pour les gueux ! Sur les théories économiques du chômage, parLaurent Cordonnier. Ed. Raison d’agir 2000, 124 pages, 5,70 euros. Présentation par Denis Gombert





Un incontournable du sociologue allemand, fondateur de la sociologie de la pauvreté, Georg Simmel


->>Les pauvres, 

Georg Simmel, préface de Serge Paugam,
Ed. PUF, collection Quadrige Grands Texte, 102 pages, 9,50€



Ces 2 ouvrages, que je n'ai pas encore lus, mais qu'il me tarde d'avoir sur ma table de chevet, même temporairement, semblent corroborer et illuster mon pressentiment, à savoir que la pauvreté tient lieu d'épouvantail pour effrayer les classes moyennes.

La pauvreté est une expérience étrange de déclassement, un sentiment d'être peu, et de ne pouvoir s'offrir que peu...il cristallise bien toutes les inconstances et contradiction des sociétés occidentales qui ont tout autant besoin d'elle qu'elles souhaitent s'en préserver.




(1) Chiffres cléfs Insee 2007,  parus  en Avril 2010 Inégalités de niveaux de vie et pauvreté
Pascal Godefroy, Nathalie Missègue, Jérôme Pujol, Magda Tomasini
(2) Texte de présentation de l'émission des Restos du Coeur, accessible en intégralité ici

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