7.12.11

Je hais Nöel






Au risque de m'attirer les foudres des ligues catholiques révolutionnaires, des consuméristes les plus enjoués, des mères de famille la larme à l'oeil et la main sur le caddie au bord de l'orgasme au mois de décembre, moi,

Noël ça me débecte!

       Avant de passer pour la pire des rabats-joie qui soit, laissez-moi vous montrer, preuve à l'appui, pourquoi les fêtes de fin d'année (oui, parce que ne croyez pas que le jour de la Saint Sylvestre- nuit qui précède généralement la plus fameuse cuite de l'année et le plus fameux des vomitos- me soit non plus agréable).

Où il est le petit Jésus?

      J'ai mis du temps à comprendre le lien entre notre bonne vieille tradition judéo-chrétienne, le Père Noël, le père Santa Claus, Saint Nicolas, mes joues bouffies par une overdose de chocolat bon marché Lidl et le petit Jésus. J'ai compris un jour pour oublier dans la foulée....

Moralité, tout ça n'a pas de sens.

Pas plus que n'en avaient à l'époque mes crises de foie, mes nausées entre 6 et 10 ans, tout spécialement du 23 décembre au 1er janvier.

Où ils sont mes cadeaux?

       J'ai, petite, grosso modo de 3 à 8 ans, plongé la tête la première dans la magie de Noël. C'est elle qui me faisait dessiner à la gouache blanche des sapins et des bonhommes de neige sur les vitres de notre petit appartement, en pensant que le père dodu qui aimait s'habiller en rouge, aurait moins de difficultés à atterrir dans notre Zep/Zup/Quartier si on lui traçait une belle piste d’atterrissage. Curieusement, ma mère, qui avait pourtant la détente facile, ne m'a jamais envoyé valdingué, parce que je lui moisissais ses carreaux. Je crois que mes joues de castor emplies de lindto (le lindt version lidl), et mon oeil humide et candide la faisaient fondre!

      Alors le 24 décembre j'attendais vaillamment...à peu près jusqu'à 22h30 que "le petit papa Noël" daigne trouver ma petite chaumière du 6e étage. Il n'a jamais trouvé la porte, ou alors il n'osait pas prendre l'ascenseur ou gravir les monticules de détritus de la cage d'escalier qui menait à notre F3.

     Au bas de mon sapin en plastique (les années où il y en avait un, d'une taille approximative d'1m à 30 cm), il n'y avait souvent pas les jouets commandés (un(e) petit frère/soeur, la paix dans le monde, un polypocket, un petit poney, une Barbie chevelure de rêve, un kilos de vrai Nutella, des sous pour faire de la luge au Groenland).

On est vraiment obligé d'aller à Tati?

    Alors comme Redman ne daignait pas montrer le bout de sa bedaine, ma mère prenait les devants. Elle nous embarquait donc dans une expédition dans la capitale (ce qui souvent allait de pair avec une semaine de ménage éreintante payée au black, à faire des inventaires interminables, à ramasser la saleté déposée par des hordes de gens dans des grands halls illuminés, à faire la plonge dans des bars moisis)...En fait, c'était son activité toute l'année, mais pendant les fêtes...c'était pire. Elle trouvait le temps de traîner sa fillette du côté de Barbès Rochechouart, puis dans le métro, et dans les travées de Tati. Elle voulais lui payer un petit quelque chose pour lui donner l'illusion d'un vrai Noël.

   Et moi, sachant bien qu'on ne roulait pas sur l'or et persuadée que de toute façon Redman viendrait répondre à mes souhaits les plus fous, je choisissais une moche poupée déjà borgne (bah oui, les jouets endommagés par des transporteurs indélicats (ou mal faits par des enfants lépreux en Chine) sont un peu moins chers!...ATati aussi, à défaut de faire attention à la marchandise, on fait attention aux clients).

Un après-midi à se faire piétiner dans le métro, à humer des odeurs pestilentielles (oui, quand on fait moins d'un mètre, on est aux  premières loges pour le lancement des gaz de fin d'année), à braver le froid c'est bien suffisant. On ne va pas en plus dépenser un bras et conduire sa petite mère à la banqueroute!

Le festival du poisson pané 

     Les années aidant, j'ai fini par ouvrir les yeux. Ni Santa Claus, ni miracle. Ma mère a eu de plus en plus de mal à me traîner à Tati (je faisais des crises pour ne pas y aller, le travail s'est fait rare et donc les finances pour se rendre à Paris aussi). Les repas de Noël sont devenus des soirs ordinaires: poisson pané, tv, flageolets et pâtes.Une bûche glacée d'un hard discounter, un film abrutissant et au dodo.  

Et puis vinrent les années, où il n'y avait plus de poisson pané. J'entendais parfois ma mère ravaler un sanglot dans la cuisine, se maudissant de ne pouvoir offrir mieux à sa descendance.

Aujourd'hui, le blues de fin d'année

    Aujourd'hui et depuis plusieurs années, je ne vis plus avec ma mère. J'ai la chance d'avoir passé des Noëls plus classiques, dans ma belle-famille ou auprès d'autres membres de ma famille pour qui les fêtes se doivent d'être somptueuses. Huîtres, chapon, champagne, toast de foie gras, gigot d'agneau, échanges de voeux et de cadeaux high-tech ont remplacé mes soirées poisson pané.

    Mais ces mets délicieux ont quand même toujours pour moi, un goût amer (celui de la désillusion, de la honte, de la solitude et du déclassement social). Noël n'est qu'une grande mascarade permettant d'écouler des stocks de produits à grand renfort de publicités mirobolantes. Celles et ceux qui ne peuvent pas être de la fête ressentent au plus profond de leur être leur misère sociale. Et je pense qu'avec la crise, bon nombre de familles vont avoir bien du mal à faire bonne chère. Ne parlons donc même pas d'offrir des présents.

    Même si apparemment, aujourd'hui, bien qu'étant chômeuse cette année, je n'ai pas à me plaindre, je pense toujours à tous ces déclassés et écorchés vifs qui vont devoir supporter encore plusieurs semaines la bonne humeur feinte, les trésors d'indécence qu'on nous balance à longueur d'heures dans la petite lucarne, et la fièvre acheteuse qui s'empare de tous.

   Je ne passe pas les fêtes avec ma mère, qui a le sentiment de n'être pas assez bien pour être à la table des convives de Noël (ayant tellement l'habitude de servir), et qui n'a pas le budget pour offrir quoique ce soit. Pour elle, il serait d'ailleurs aussi inconvenable de recevoir sans donner en échange.

   Au moment de l'ouverture des cadeaux, quand le papier cadeau crépite ou vole dans toute la pièce, j'ai toujours, des années après, ce mot qui résonne dans ma tête: poisson pané...






Edit: je ne ferai pas d'articles sur la glossybox, les meilleurs trucs à offrir en ce super Noyiiel 2.0...Là, j'en suis à vouloir offrir à mon copain une lampe en carton (on ne rigole pas je suis sérieuse, j'ai vu un super tuto sur le net), à tricoter un snood pour une amie et à concocter les meilleurs Manele qui soient!


Edit 2: Il y a quand même un truc bien à Noel:
le chant de Noël de Tino Rossi
le 1er morceaux de musique hors du répertoire Maternelle que j'ai appris par coeur.

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